Consulat et Empire

Dans son livre sur l'Histoire de Templeuve, Charles BONNIER évoque la mise en oeuvre du Concordat à l'échelle de Templeuve

En 1789, l'église de Templeuve, comme on peut le voir d'après son 'Chasserel', avait des propriétés; son égliseur recueillait les rentes ou dîmes, tant pour l'église que pour les différentes chapelles ou fondations (chapellers St Nicaise, Notre-Dame, St Jean Baptiste). Tous ces revenus disparurent et, dès 1792, les biens de l'église étaient vendus, en même temps que ceux des abbayes. Les cloches étaient fondues, et l'église elle-même était abandonnée. A peine si quelques fidèles allaient encore en cachette écouter la messe d'un prêtre réfractaire. Le curé et le vicaire s'étaient enfuis.

Vers 1801, il y eut un essai de reprise du culte, si l'on en juge par l'arrêté suivant de Fouché, ministre de la police générale et ancien oratorien, interdisant de faire sonner les cloches, avec cette réserve curieuse : celle (la cloche) relative aux habitants des campagnes qui sont accoutumés à règler leurs travaux, matin et soir, sur le son de ce que l'on appelle Angelus.

Mais cet Angelus rappelle les fameuses cloches de Rueil que Bonaparte entendait avec émotion, de la Malmaison. Ce petit tintement évoquait les grands carillons; le Concordat allait les rétablir.

Il fut célébré en grande pompe à Templeuve, si l'on en juge par l'extrait suivant d'un rapport du Maire.

"Templeuve, Floréal an 10 (21 avril 1802)

La loi organique des cultes, insérée dans le N° 172 du Bulletin des lois, m'étant parvenue le 11 de ce mois, avec votre circulaire du 2, j'en ai fait faire la publication le plus solennellement possible, le 12 au matin, j'avais recommandé que cette publication fut accompagnée du plus grand appareil. L'affluence était grande, le sujet le méritait. Le plus grand silence a régnè tout le temps de cette lecture et aucun signe d'approbation ni d'improbation ne s'est laissé apprécier pendant sa durée."

Evidemment les paysans se souvenaient du culte disparu, surtout les Blanc-Bonnets (les femmes), mais ils n'avaient non plus oublié ni la dîme, ni les rentes à payer. Le plus curieux c'est que le maire était un acquéreur de biens du clergé; le sentiment général dut être le doute et la crainte de voir rentrer les anciens propriétaires et les anciens possédants.

"Parmi le nombre de celles (des mesures), continue le maire, dont on ne peut négliger l'emploi sans s'exposer à de grands inconvénients qui rendraient le remède pire que le mal que l'on veut guérir, se place naturellement la nomination de nouveaux curés, le changement total de ceux qui se trouvent actuellement dans la commune est devenu indispensable."

Il y avait dû avoir déjà des frictions entre l'autorité civile et les prêtres réfractaires et assermentés.

Au sujet de l'église, désaffectée au culte, le maire répond de la façon suivante au sous-préfet du 3° arrondissement de Lille :

"Je vous certifie, citoyen sous-préfet :

  1. Qu'il n'existe en cette commune qu'un seul édifice pour le culte, c'est l'église non vendue.
  2. Qu'elle est en assez bon état, mais susceptible de quelques menues réparations
  3. Qu'elle peut contenir 1600 individus.

Je vous salue - A. DERET"

Cependant, vu la visite imminente de l'Archevêque de Cambrai, le maire et le conseil se décident à faire les réparations indispensables :

"17 floréal an 12 (7 Mai 1804),

Les administrateurs de la fabrique de l'Eglise de Templeuve.
Vu l'état de délabrement où se trouve actuellement l'église dudit Templeuve.
Offrent au sieur Levray peintre, la somme de 324f pour blanchir les murs à la chaux, peindre la chaire de vérité, en acajou, etc"

La fabrique était donc constituée, et, comme les ressources de l'église avaient disparu, il ne restait plus de biens, pas plus venant des confréries que de l'église elle-même.

Un décret du 23 messidor an XIII avait attribué aux fabriques les biens non aliénés provenant de confréries, mais le maire atteste (15 fructidor an XII) "qu'il ne se trouve en cette commune aucun bien ni aucune rente, de la nature de ceux qui font l'objet de la circulaire." Il fallait bien pourtant, eu égard au Concordat, que l'église eût des ressources. Aussi le 8 ventose an XII (29 février 1804), les administrateurs de l'église de la commune de Templeuve, vu le besoin d'établir un fond de recette qui les mette à portée de pourvoir aux besoins intérieurs de la dite église relativement aux frais de culte, ont reconnu qu'il conviendrait d'établir une recette intéressée sur les chaises.

Et c'est ainsi que furent achetées les premières chaises de l'église, ces chaises qui plus tard devaient amener une querelle célèbre entre le curé et ses paroissiens, querelle qui menaça de s'éterniser et amena l'exode d'un certain nombre de familles vers des églises voisines.